
Depuis quelques années, de nombreux auteurs ou chroniqueurs nous font état de nombreuses fractures de la société et de leurs aggravations. La dernière élection américaine qui met en évidence deux Amériques qui ne se comprennent plus est symbolique de ce dysfonctionnement de nos sociétés démocratiques.
Comment expliquer qu’une moitié d’Américains se rallient derrière une personne dont le projet et le discours sont en désaccord notable avec la majorité des élites américaines ? Cette fracture entre le peuple et ses élites ne serait-elle pas la cause de toutes fractures de la société ? Ce serait la fracture originelle.
Il semble que le fonctionnement d’une société soit quelque peu quantique. Tel le chat de Schrödinger, elle doit être à la fois verticale et horizontale, et le fait de vouloir savoir dans quel état elle est, donc de vouloir la qualifier de verticale ou d’horizontale, la fait disparaître.
Le comportement horizontal d’une société est indispensable, car ce sont les projets collaboratifs qui favorisent l’émergence de vrais leaders, à l’écoute du peuple et qui savent donner du sens et donc de la verticalité. Ces leaders, par construction au service du peuple, savent mobiliser celui-ci dans des projets collaboratifs qui nourrissent l’horizontalité. On voit donc que la verticalité est créée par l’horizontalité et que l’horizontalité est générée par la verticalité. Vouloir qualifier une société de verticale ou d’horizontale, revient à la condamner à ne pas exister. Une société doit être à la fois horizontale et verticale.
Or depuis quelques décennies, c’est la verticalité qui crée de la verticalité. Les élites créent les nouvelles élites. Les élites ont de moins en moins la légitimité de vrais leaders, et donc ne savent plus mobiliser et entraîner l’horizontalité et le travail collaboratif.
Dans l’hypothèse où ce raisonnement serait correct, il serait intéressant de réfléchir au problème de l’émergence et de la formation des élites d’un pays.
On pressent naturellement que l’essentiel de la solution ne pourra être apporté que par notre système éducatif. Il serait prétentieux de vouloir apporter ici des solutions à sa place. Par contre, il existe le projet de service national universel (SNU) qui lui aussi devrait contribuer à l’émergence et à la formation des élites.
Même si cela sera plus difficile, même s’il faudrait se concentrer en priorité sur la première jeunesse, on peut aussi tenter de faire émerger des expérimentations de l’enseignement supérieur.
De la modernité vers la trans-modernité
« Je vous délivre de votre science, de vos formules, de vos lois, de cet esclavage de l’esprit, de ce déterminisme plus dur que la fatalité. Je suis le défaut dans l’armure. Je suis la lucarne dans la prison. Je suis l’erreur dans le calcul : je suis la vie. »
Antoine de Saint-Exupéry, Courrier Sud
Au vu du constat des fractures sociétales et des impasses environnementales, on peut penser que nous vivons la fin d’une première évolution conceptuelle de l’humanité due à une vision scientifique réductionniste et déterministe. Cette évolution a débuté en 1543 grâce à Copernic, puis 1610 avec Galilée, et tout un ensemble de philosophes et scientifiques qui, par une vision mécanistique de la nature, ont permis notre révolution industrielle. Cette évolution vers la modernité aura duré cinq siècles !
Mais dès 1887, Michelson et Morlay, suivi en 1900 par Planck perturbent cette vision et sans doute le début d’une évolution vers la trans-modernité. D’autres découvertes comme, la relativité d’Einstein, l’incertitude de Heisenberg, l’effet papillon, les théories du chaos et dernièrement l’intrication quantique devraient nous inciter à remettre en cause notre vision du monde. Mais c’est surtout le théorème d’incomplétude de Krut Gödel, en 1934, qui devrait nous faire douter. Il nous démontre que tout système logique est obligatoirement incomplet et donc qu’il existe des « solutions » qui ne sont pas démontrables, donc que la vision réductionniste et déterministe de monde n’est sans doute pas la seule. Mais surtout, est-elle la bonne ?
"Théorie sauvage, subversive et dévastatrice, la physique quantique a jeté à bas l’édifice policé échafaudé au cours des siècles par la science traditionnelle. Elle nous fait entrer de plain-pied dans le monde de la science-fiction. Les révolutions républicaines, marxistes, islamistes et autres risquent d’apparaître un jour insignifiantes face à la révolution quantique. Notre organisation sociopolitique et nos modes de pensée ont été ou vont être bouleversés, davantage peut-être que par tout autre événement."
Le Cantique des quantiques, Sven Ortoli et Jean-Pierre Pharabod
Il semble que le monde soit plus complexe que nous l’ayons imaginé. D’ailleurs, suite à la chute du mur de Berlin, certains stratèges militaires considèrent que nous sommes entrés dans un monde dit VUCA (Volatility, Uncertain, Complexity, Ambiguity).
Donc, les établissements d’enseignement supérieur devraient en premier lieu faire un choix stratégique entre :
- Continuer à exploiter, en s’améliorant de façon incrémentale, les rentes d’une formation à la modernité. - S’engager, de manière plus disruptive, dans le chemin de l’émergence et de la formation d’une élite trans-moderne.
Les deux choix peuvent se comprendre. Le premier sera plus naturellement fait par les établissements actuels et il sera encore « rentable » pendant de nombreuses décennies.
La seconde voie sera plutôt prise par de nouveau acteurs, les plateformes comme les GAFAM-BATX entre autres, qui s’engagent déjà sur toutes les voies dans lesquelles la qualité de service et l’expérience - utilisateur sont essentielles. Leur capacité à mobiliser l’intelligence collective et l’intelligence artificielle leur donne un avantage stratégique.
Il y a certainement une foule de personnes qui se sont engagées dans la première voie. De plus, l’Europe étant quasiment absente depuis plus vingt ans dans le champ de l’innovation de rupture, la suite sera uniquement consacrée à un début de réflexion sur la deuxième voie.
En préambule, il convient de rappeler qu’une innovation de rupture passe obligatoirement par trois phases : le rejet, le danger, l’évidence. La phase de rejet, au cours de laquelle le projet est au mieux ignoré, mais souvent dénigré, traité de fou, d’irréaliste, d’idiot, caractérise évidemment l’innovation de rupture et donc une phase indispensable.
Donc la suite sera naturellement et obligatoirement quelque peu farfelue, et sans doute pas assez d’ailleurs.
Il serait prétentieux de prédire ce que sera ce monde trans-moderne, mais faute de définir un but, nous devons essayer d’éclairer une amorce de chemin et créer du sens.
Nous pouvons déjà remarquer que cette évolution conceptuelle du monde provoque au moins quatre révolutions simultanées.
- Une révolution technologique avec l’émergence de quatre réseaux- internet : o Un internet de la communication, qui permet l’émergence de plateformes M2M (Multitude to Multitude) et d’entreprises plus puissantes que les états. Ces plateformes exploitent la puissance et la créativité d’une multitude au service de l’expérience-utilisateur des membres de la multitude. o Un internet de la fabrication additive qui transformera en partie une production de masse par une production par les masses, o Un internet des objets, qui généralisera la capacité de pilotage à distance, o Un internet de l’énergie, qui permettra une production répartie et partagée d’énergies propres. - Une révolution sociétale portée par des créatifs-culturels, qui représente de l’ordre de 40% de la population dans les pays industrialisés, pour qui l’ »être » devient plus important que l’ »avoir » et pour qui le partage devient une économie.
- Une révolution économique pour laquelle le savoir et la créativité ont plus de valeur que les machines et les capitaux et qui demande la mise en synergie de l’intelligence biologique avec l’intelligence collective et l’intelligence artificielle. - Une révolution managériale d’entreprises plus inclusives en interaction avec la cité visant en plus d’une valeur ajoutée économique nécessaire à leur survie, un impact social et environnemental positif. Le management collaboratif semble devenir une condition sine-qua-non de la survie des entreprises. Pour prendre en compte la complexité du monde, l’entreprise commence à utiliser le principe du tiers-inclus, rendu plus populaire par le « en même temps » qui permet de fonctionner de façon contradictoire à plusieurs niveaux de réalité.
Plusieurs signaux faibles, quoique, confirment l’amorce de cette évolution conceptuelle. En ce qui concerne l’enseignement supérieur, on peut citer quelques exemples.
- Wikipédia a complétement tué le marché des encyclopédies, malgré les certitudes des sachants vivant de cette rente. - Les élèves de l’Ecole 42, école sans programme, sans professeurs, sans diplôme, sont plus recherchés par les entreprises de la hightech que les élèves des grandes écoles. - Les cours du master d’intelligence artificielle de l’Université de Stanford (master à près de 80 000 $), sont offerts gratuitement à qui le veut, et donc à plus de 100 000 personnes chaque année. Il semble que peu de Présidents d’universités ou de Directeurs de Grande Ecole ne se soient questionnés sur le modèle économique de cette démarche ! - En 2005, lors de remise des diplômes de l’université de Stanford, Steve Jobs a donné sa vision mettant en avant l’importance du sens par rapport à l’accumulation de savoirs, - Elon Musk, suite à la vente de PayPal, a investi 100 M$ pour créer SpaceX qui fait trembler les agences spatiales, investi 100 M$ dans Tesla qui possède actuellement une capitalisation supérieure à celle de l’ensemble des constructeurs automobiles, et investi 100 M$ dans Hyperloop. - Les plateformes, Facebook, Google, YouTube, LinkedIn et de nombreuses plateformes de formation commencent à invertir le domaine de la formation en proposant des MOOC (Massive Open Online Course). Le cas de LinkedIn est intéressant car l’offre de formation en ligne se conjugue avec une finalité de mise en synergie des compétences de ses membres au profit de projets de ses membres.
Et puis, nous nous retrouvons face à de nombreux murs, celui du dérèglement climatique, bien sûr, mais aussi celui, sans doute encore plus urgent, de la résistance aux antibiotiques, qui à horizon de deux décennies menacent de nous laisser sans armes devant les bactéries, même banales. Il y en a bien d’autres : la chute de la biodiversité, la pollution, l’épuisement des ressources, etc.
Un mec qui cherche ses clés sous un lampadaire. Question : pourquoi sous un lampadaire ? Réponse : pas parce qu'il les a perdues là, mais parce que c'est le seul endroit éclairé de la rue. Coluche
Pour éviter ces murs, il est temps d’avoir le courage et l’audace d’engager le monde sur le chemin de la trans-modernité. Il est temps d’allumer quelques bougies, et de faire quelques pas dans l’obscurité pour chercher un chemin. Si le modèle mécanistique ne convient plus, il nous faut rechercher un autre guide qui puisse prendre en compte la volatilité, l’incertitude, la complexité et l’ambigüité du monde. La science nous indique que l’organisation de la nature est plus fractale que géométrique. On peut donc essayer de calquer les organisations humaines sur la nature et les imaginer comme des écosystèmes similaires.
En 1951, Stéphane Lupasco s’est inspiré du comportement quantique des particules pours avancer un modèle dit du tiers inclus, qui se démocratise aujourd’hui sur le modèle du « en même temps ». Une organisation humaine est en même temps quelque chose et son contraire à des niveaux de réalité différents. Par exemple dans le système éducatif, chacun peut être en même temps élève et maitre que ce soit dans des matières différentes ou dans des niveaux d’apprentissage différents, surtout en travaillant ensemble sur un projet commun. C’est ce que l’on trouve dans les principes de l’Ecole 42, des plateformes M2M, mais aussi historiquement par les cours révolutionnaires dispensés lors de la création de l’Ecole Polytechnique, et sans doute dans l’un des deux principes du Recteur Wilhelm van Humboldt proposant l’unicité de la formation et de la recherche.
Les organisations humaines pourraient aussi songer à imiter la nature, à l’échelle du vivant. Elles pourraient chercher être des organisations inclusives créant des écosystèmes favorisant l’émergence d’activités génératrices de plus-value économique, sociale et environnementale. Concrètement, pour une entreprise, cela consisterait à :
- Créer assez de valeur au moins pour assurer la vie matérielle de ses collaborateurs, - Promouvoir l’utilité sociale de tous ses collaborateurs et de toutes les personnes y trouvant un intérêt, en les « élevant », en en faisant une communauté d’apprenants, et en créant un écosystème fertile incitant à l’émergence de sens pour chacun,
- Améliorer l’environnement, et comme la nature en soi, ne plus avoir de poubelles. Bien plus que réduire sa pollution, une entreprise devrait œuvrer à la dépollution globale afin que l’activité humaine supprime tous ses déchets. La nature sait le faire, pourquoi pas l’humanité ? Les activités humaines devraient aussi préserver, voire favoriser la biodiversité qui constitue une véritable bibliothèque de solutions élaborées par la nature pendant des millions d’années. Détruire la biodiversité revient à brûler cette bibliothèque !
On peut donc avancer une première vision d’un éventuel chemin, en mixant ces fragments de modèles avec les quelques signaux faibles détectés. Une entreprise de formation de la trans-modernité pourrait être, en même temps :
- Une plateforme numérique M2M, sans doute, culturellement francophone, mettant à disposition des MOOC et des animations produits par la multitude de ses membres au profit de la multitude de ses membres et favorisant la mise en synergie de ses membres, de leurs compétences et de leurs appétences dans le but de faire émerger des projets ; - Un réseau de plateformes physiques, écoles, universités, centres de recherches, cœurs de village formant un écosystème d’incubation et de développement des projets et de formation inclusive. Favoriser l’implantation d’espaces culturels de co-formation et de coworking au cœur de villages (ou de villes), surtout dans les territoires ruraux et les pays en voie de développement peut devenir une clé pour réduire les fractures territoriales et sociales.
L’objectif d’une telle entreprise de formation devrait être de faire émerger de la multitude des élites « légitimes » ayant concrètement et naturellement développé des qualités de leadership et de les tutorer dans leur quête de sens. On pressent que ces leaders devront de plus en plus prendre en compte l’impact social et environnemental de leurs activités. Ce sont des personnes qui devraient avoir :
- Une tête, c’est-à-dire une capacité à développer leur intelligence pour s’émanciper et pour donner un dessein à leur vie. Pour cela, ils doivent se cultiver et développer leurs sens : l’observation de leur environnement, l’écoute des autres, le flair des opportunités, le goût du risque, leurs capacités à s’interroger, à douter, à se rebeller. Ils devront aussi cultiver leur créativité et leurs capacités d’innovation. - Des tripes, c'est-à-dire qu’il faudra les protéger et leur donner confiance pour qu’ils aient le courage de conduire leur projet, - Un cœur, c'est-à-dire la générosité de partager les fruits de leur passion et de leur réussite et d’animer de façon collaborative la multitude afin de favoriser l’émergence de sens.
En Europe, nous avons privilégié l’accumulation de savoirs et de savoirs-faire. Nous sommes performants en innovation incrémentale, jusqu’à faire émerger de nombreuses gazelles. Mais, cette seule voie est celle d’un conformisme qui conduit naturellement à une autoreproduction des élites, et une fracture avec les peuples. Nous avons négligé la nécessité de faire aussi émerger et éduquer des aigles, des élites visionnaires, humbles et altruistes, s’étant confronté à l’échec et s’en étant nourri, à l’écoute de la société et aptes à donner du sens et des perspectives à l’humanité.
C’est cette école de la trans-modernité qui reste à dessiner, une école où dans laquelle chacun est en même temps maitre et élève, une école inclusive et collaborative, plaçant le savoir et la créativité comme les futures valeurs de la société à la place du capital et des machines.
Petits pas sur le chemin de la trans-modernité
Il est fort probable que ce soient les plateformes numériques qui deviennent les leaders de la formation dans les décennies à venir. Pour une institution de formation, il y a donc urgence d’élaborer une stratégie numérique :
- Faut-il créer ou intégrer une plateforme numérique, si oui, laquelle ou lesquelles ? - Doit-elle être fermée ou ouverte à la multitude ? - Faut-il utiliser les MOOC offerts par d’autres institutions ? - Faut-il créer une bibliothèque de MOOC d’excellence, et si oui, avec quels partenaires ? - Doit-elle être francophone ? - Grâce à l’intelligence artificielle, il est probable que des robots formateurs vont naître, surtout pour les cours à forte audience. Doit-on les fabriquer, et/ou les utiliser ? La fabrique de tels robots par des élèves peut-elle constituer un outil pédagogique efficace ?
- Faut-il inciter les élèves, et même toute la multitude, à créer du contenu et à devenir formateur, à l’image de Wikipédia ou de l’Ecole42 ? - Faut-il, à l’image de Stanford, utiliser les MOOC afin de repérer et de recruter les personnes à fort potentiel, en privilégiant le CV et l’implication au lieu du diplôme, pour les intégrer dans leurs projets de recherche et créer de la valeur? - D’une façon plus générale, ne faut-il pas diversifier le recrutement en exploitant les réseaux sociaux, à l’image des entreprises de high-tech ? - Quelles seront les origines des élites des entreprises hightech de demain ? Entrepreneuriat, Réseaux sociaux comme LinkedIn, Universités ou autre ? - Faut-il s’allier à des aigles, comme Elon Musk ? - La formation du Master d’intelligence artificielle de Stanford coûte une vingtaine de dollars par étudiant alors que le diplôme est facturé près de 100 000$. Le coût de l’Ecole 42 est d’environ 5 000€ par étudiant. Les formations supérieures deviennent accessibles à de plus en plus de personnes du fait du numérique, et les coûts sont en train de s’effondrer. Les élites sont de plus en plus contestées. Les grands corps de l’Etat sont contestés. Les diplômes perdent de leur prestige. Combien de temps l’opinion publique, et donc le pouvoir politique, acceptera de faire payer au contribuable des formations à 25 000 € par étudiant et par an : 11, 20 ou 50 ans ? La seule vraie question n’est-elle pas celle de l’émergence d’une formation de masse par les masses dans un monde où chacun devra être à la fois maître et apprenti ?
Fortement déchargées par le numérique de la charge de transfert de connaissances, les institutions de formation pourront enfin se concentrer sur l’essentiel. Wilhem van Humboldt a posé les deux principes fondateurs de l’université moderne, la liberté de la science et l’unicité de la formation et de la recherche. En complément de ces principes et des laboratoires de recherche, les universités anglo-saxonnes se sont dotées de trois outils indispensables favorisant le choc des idées : la bibliothèque, le stade et le restaurant. De plus, l’inclusion de l’université dans la cité a favorisé la créativité et a permis l’émergence de clusters économiques comme la Silicon Valley par exemple.
Le rôle- clé joué par les universités dans le développement de ces clusters nous a fait comprendre l’importance du sens dans la formation et nous a conduit au concept d’entrepreneuriat, qu’il faut prendre au sens d’être entrepreneur de sa vie. Dans ce cadre se sont développées des pédagogies-action, comme celle de Robert Papin en France, des incubateurs, des parcs technologiques.
Donc en même temps que révolution numérique sur les contenus, les formations doivent faire une révolution sur l’apprentissage donnant à chacun l’opportunité de travailler ensemble dans des environnements propices aux chocs des idées et à la réalisation de projets :
- Laboratoires de recherche publics ou privés - Entreprises privées ou publiques,
- Incubateurs, - Et surtout, dans le but d’être plus inclusif, la Cité elle-même.
Comment les entreprises de formation peuvent-elles développer des pédagogiesaction génératrices de sens ? A titre indicatif, le déploiement des missions de terrain de Robert Papin dans des écoles d’ingénieurs peut nous inspirer. L’exercice consiste à fournir un challenge, soit un problème bloquant dans une entreprise, soit le rêve d’un entrepreneur, à une équipe de cinq personnes, trois étudiants, un tuteur entrepreneur, et un co-auteur enseignant. Après cinq semaines de travail dans un lieu choisi par l’équipe, les trois élèves doivent présenter leur travail devant un jury d’industriels et public. Le tuteur et le cotuteur ne participent pas à l’évaluation du travail, mais ils se sentent aussi impliqués dans le succès du projet que les élèves et partagent l’évaluation avec eux. Dans de nombreux projets les tuteurs ont plus appris par les élèves que l’inverse ! De plus, de nombreux autres projets sont nés au cours de ces jurys. Le but de la pédagogie-action est clairement de donner du sens !
Comment les instituts de formation peuvent-ils de venir plus inclusifs ? La Fête de la Science a essayé de rapprocher le monde de la science avec le grand public. Mais cela ne suffit pas. Les fractures continuent à s’amplifier.
Les instituts de formation pourraient imaginer organiser régulièrement des « culturelles ». Ce peut être des soirées réunissant un public afin de présenter un sujet et de susciter un débat.
Mais il faut certainement pousser plus loin l’inclusion. Dans la période antique, le cœur de la cité était spirituel et culturel, autour du temple, du cirque et de l’agora. Durant la période moderne, il est devenu commercial, puis a commencé à dériver vers du n’importe quoi. Peut-être que la trans-modernité devrait remettre l’école (et l’église) au centre du village ?
Remettre l’Ecole au centre de la Cité
Cette problématique devrait être abordée dans un cadre beaucoup plus global, de l’aménagement du territoire, de l’éducation et même de la politique étrangère et de diffusion de la francophonie. Mais concentrons-nous sur la place de la formation supérieure dans la Cité.
Raymond Unwin, au début du XXème siècle, concevait la ville autour d’une utopie, d’un jardin et d’une architecture.
Certaines villes, certains villages, en France ou à l’étranger pourraient envisager de rebâtir, au centre de leur cité, autour d’une utopie intégrant un espace culturel de coworking et de co-formation pouvant devenir des hôtes pour des projets d’instituts de
formation supérieure, à l’image de centres de recherche, d’entreprises, ou d’incubateurs.
Ce cœur culturel de la cité serait conçu comme un écosystème pouvant accueillir et toute personne voulant apprendre, voulant transmettre ou voulant faire. Dans un lieu à forte qualité de vie, il pourrait comprendre une bibliothèque multimédia, des écoles inclusives, des espaces de coworking, des fablabs, des espaces de détente, des restaurants, etc. Les classements internationaux de notre système éducatif devraient nous inciter à permettre des expérimentations d’écoles incluses.
Il s’agit de donner à chacun l’opportunité de pouvoir apprendre tout au long de sa vie, de pouvoir transmettre tout au long de sa vie et de placer le savoir et le sens comme valeurs essentielles de la société trans-moderne.
Le terme d'élite vient du participe passé electus du verbe latin eligere, signifiant extraire, choisir. Étymologiquement, l'élite est formée de ceux qui se choisissent ou qui sont choisis. Se pose donc le choix de ces élites, et il y là une réflexion stratégique essentielle à mener. Doivent-elles être choisies par la verticalité ou doivent-elles émerger de l’horizontalité ? Dans un futur monde de formation de masse par les masses où chacun pourra rendre son savoir accessible à tous, l’accès au savoir pour exercer n’importe quel métier sera plus universel et quasiment gratuit. L’apprentissage au métier se fera beaucoup plus par l’action en créant une synergie de compétences et d’appétences autour de la réalisation de projets. L’émergence par la création d’entreprises et d’activités sera une sélection naturelle d’élites. Par contre, l’intégration à des organisations, qui pour survivre devront être de plus en plus collaboratives et inclusives, ne se fera-t-elle pas plus par cooptation des équipes que par choix des directions ? Le choix se fera-t ’il sur le diplôme ou sur le CV ? Le diplôme sera-t ’il obtenu sur concours ou sur validation des acquis ?
Le paradoxe de ces amorces de réflexions, en fait plus de ces questionnements, est que, d’une part, elles peuvent apparaître folles, donc potentiellement porteuses d’innovations de rupture, et risquent donc un classement vertical, et d’autre part, elles peuvent sembler applicables et donc ne pas être suffisamment diruptives pour être à la hauteur de nos enjeux de société
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